Retour aux articles

Cyril Saugrain : “Le Tour de France a changé ma vie”

Publié le : 16/07/2025

Avant de devenir la voix familière des passionnés de cyclisme en Belgique, Cyril Saugrain a été coureur, vainqueur d’étape sur le Tour de France, puis manager chez Decathlon. Aujourd’hui consultant pour la RTBF, il décrypte la course avec passion et pédagogie. Il revient pour nous sur son parcours de vie, façonné par les rencontres, les choix et… une échappée inoubliable en 1996.

Continuez la lecture

image article

Les métiers du Tour de France : dans les coulisses techniques et insolites de la Grande Boucle.

Publié le : 16/07/2025

arrow

Une carrière née de rencontres et de fidélité

“J’ai commencé le vélo en cadet, sous licence FSGT, avant de passer à la FFC en intégrant le sport-études de Coulommiers”, se souvient Cyril. “Avec mon père, on a choisi le CM Aubervilliers, un grand club de Seine-Saint-Denis. J’y suis resté toute ma carrière jusqu’à devenir pro.”

Cette fidélité est rare dans un sport souvent mouvant. Elle le mènera jusqu’à l’équipe professionnelle surnommée “les petits gars d’Aubervilliers”, à une époque où le cyclisme français comptait peu de formations pros. “On avait la volonté de faire émerger de nouvelles équipes. En 1996, je prends le départ du Tour avec un objectif clair : exister.”

Une échappée qui change une vie

Quatrième jour de course. L’échappée part. Le vent souffle. Ils sont cinq à résister au retour du peloton. Et à Madine, dans l’est de la France, Cyril lève les bras. “C’est facile à dire avec le recul, mais ce jour a changé ma vie. Le Tour, c’est le plus grand événement sportif du monde. Gagner une étape, ça vous distingue à jamais.”

Plus qu’un palmarès, c’est une reconnaissance sociale. “Tu peux dire que tu as gagné Liège-Bastogne-Liège, les gens te diront ‘Ah bon ?’. Mais dis-leur que tu as gagné une étape du Tour, ils visualisent immédiatement. Même les jeunes qui n’étaient pas nés ce jour-là, ils comprennent ce que ça représente.”

De la grande boucle à la grande distribution

Cyril arrête sa carrière en 2003. Il entame une formation au CNPC de Pau. “J’ai rejoint Decathlon, non pas parce que j’étais un ancien coureur, mais pour mes valeurs, mon envie de servir les clients. Cela dit, à profil égal, ma carrière cycliste était un petit plus.”

C’est là que le lien se fait. Le contact avec les clients, la pédagogie, le goût de la transmission : des compétences qui deviendront précieuses lorsqu’il sera propulsé, presque par hasard, consultant TV. “Wéo, une télé locale, m’a contacté pour commenter les 4 jours de Dunkerque. Puis la RTBF cherchait un nouveau consultant. Mon nom a circulé. Rodrigo Beenkens, la voix du sport en Belgique, m’a choisi.”

Un duo complice au service de la pédagogie



 

Depuis 2013, Cyril et Rodrigo forment un duo soudé. L’un écrit la ligne éditoriale, l’autre observe, analyse, vulgarise. “Mon rôle, ce n’est pas de décrire ce qu’on voit à l’écran. C’est d’expliquer pourquoi ça se passe. Pourquoi telle équipe accélère à 60 km de l’arrivée ? Pourquoi une échappée prend forme ? Pourquoi un leader remonte ?”

Un rôle qu’il compare à celui de conseiller chez Decathlon : “On écoute, on comprend le besoin, on apporte la bonne réponse. Là, c’est pareil : je regarde l’écran, j’écoute Rodrigo, et j’apporte ce que je vois, ce que je sens, ce que je sais.”

Une expertise sans préparation lourde, mais avec du vécu

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le consultant ne passe pas des heures à potasser. “Je prépare le Tour comme un coureur. Je lis le roadbook. Je sais quelles étapes sont pour les sprinteurs, les baroudeurs, les grimpeurs. Et ensuite, c’est le direct qui dicte mes interventions. Mon vécu m’aide à sentir les moments clés.”

Et quand il faut analyser une chute, un sprint houleux, une tactique discutable, il n’hésite pas. “Parfois je ne comprends pas une stratégie, je le dis. Et on débat. On capte l’attention avec l’analyse, l’émotion, l’expérience.”

L’émotion au cœur de la mission

Car l’émotion reste centrale. “Quand un coureur tente un exploit, qu’il est seul en tête et qu’il va craquer à 2 km, on doit faire passer ce qu’il vit. Même s’il est belge et que je suis français. Sur le Tour, je peux m’enthousiasmer pour un Français. Mais je m’enthousiasme surtout pour le geste, l’exploit, quelle que soit la nationalité.”

Cyril cite la victoire de Romain Bardet ou de Julian Alaphilippe comme exemples récents d’émotion pure. Mais il sait aussi garder la mesure face à certains débordements : “Montrer ses fesses à la caméra, c’est inutile. C’est une dérive des réseaux sociaux. Le vélo mérite mieux que ça.”

La question du dopage : ni tabou ni obsession

Et le dopage ? Il n’élude pas : “Oui, le vélo a eu ses casseroles. Mais il ne faut pas oublier qu’il y en avait dans tous les sports. Sauf que dans l’esprit des gens, le Tour est si dur que ce n’est pas possible de le faire sans tricher. On doit évoquer ces sujets quand il y a une vraie demande, mais avec intelligence. Ce n’est pas à nous de condamner sans preuve.”

Le Tour comme fil rouge d’une vie

Aujourd’hui encore, le Tour continue de rayonner dans la vie de Cyril Saugrain. “Quand je commente une course, je représente quelque chose. En Belgique, tous les jeunes coureurs wallons me connaissent. Pas pour mon palmarès, mais pour ma voix. Le Tour m’a donné une aura qui ne s’éteint pas. Vingt ans plus tard, il continue à changer ma vie.”